Vuoto apparente
Vide apparent : le cas grec
Barbara Polla & Chiara Bertini

Scorrere per la versione italiana

.

Le vide apparent

Le vide n’étant en principe rien… comment pourrait il, alors, être « apparent » ? Comment voir un vide, qui serait en réalité un plein, mais qui se cacherait derrière, ou à l’intérieur d’un vide ?

En réalité, le vide apparent, ici, vient contredire un plein qui, lui, n’est qu’illusion. Le vide apparent est un vide de « choses », de ces choses dont le capitalisme génère le désir, la création, la production et la « possession » – un désir et une possession vides, la plénitude en étant exclue, puisqu’elle empêcherait la perpétuation du système. Les récents événements politiques et économiques dont la Grèce a été le théâtre ont généré un tel vide de « choses ». Portefeuilles vides, caisses vides, armoires vides, besaces vides, valises vides : la Grèce est exsangue, vide d’argent, vide d’investissements, vide de capitaux et certains n’hésitent pas à dire qu’elle serait même vide d’avenir. Le poète, écrivain, homme de théâtre et artiste Dimitris Dimitriadis annonçait cette déréliction en 1978 déjà, dans un texte historique, magnifique et tragique intitulé Je meurs comme un pays. Une déréliction politique et morale, laissant la place à l’ennemi, lui offrant un vide apparent, en réalité plein de cris et de révolte.

Alors, la Grèce de ces premières années 2010 : vide évident ou vide apparent ? La Grèce antique, par la plume d’Aristote notamment, a réfuté le vide. « Le vide, quand on en admet l’existence, est quelque chose comme un espace privé de corps », écrit-il. Pour admettre l’existence du vide, il faudrait que l’espace soit aussi quelque chose de séparé des corps « et nous avons démontré antérieurement que cela n’est pas possible. » Descartes rejoint Aristote : selon Descartes, l’espace n’existe que là où se trouve déjà quelque chose. Ce n’est pas l’espace qui permet l’existence de l’objet mais, au contraire, l’existence de l’objet qui implique celle de l’espace. Il est donc absurde de parler d’espace vide ; dans le vide, il n’y aurait même pas d’espace. Décidément, le vide n’existe pas. Et les deux philosophes d’affirmer de concert que « la nature a horreur du vide ». Une affirmation que réfutera Pascal et d’autres après lui.

 

Le vide philosophique n’a pas atteint la Grèce

Une chose est certaine, c’est que dans ce berceau historique de la démocratie qu’est la Grèce, le vide de la pensée n’existe pas. Il existe aujourd’hui dans le pays un indubitable vide de « choses » – ces choses dont parle si bien Perec dans Les Choses (1965). Mais il n’y a pas de vide philosophique, ce vide de pensée qu’évoque Patrick Juignet dans une conversation avec Dany-Robert Dufour (Philosophie, Science et société, 2015) : « la médiocrité des élites, le cynisme mercantile, la déstabilisation des mœurs, ont provoqué une désorientation et laissé un vide philosophique qui se remplit par un retour du religieux. » Il n’y a pas non plus de retour du religieux en Grèce. La Grèce n’est pas (n’est plus ?) dans le « délire occidental » que Dany-Robert Dufour décrit dans son livre au titre éponyme : « face au vide que la société néo-libérale actuelle produit dans toutes les économies humaines, certains répondent par le faux-plein d’un Dieu soi-disant parfait ‑ encore plus effrayant que ce qu’il prétend combattre. C’est ainsi qu’il se met en place, face au délire occidental, un autre délire ‑ islamiste en l’occurrence. » La Grèce échappe au délire. Et derrière le vide apparent parfois opaque et parfois transparent qui l’étreint, se cache et se révèle une révolution culturelle.

Les Grecs qui avaient émigré des îles et de la campagne y retournent et se remettent à construire les murets qui vont empêcher les îles de disparaître dans la mer Egée. Ce n’est pas un retour en arrière, c’est un autre avenir.

Georges Seféris (1900-1971) écrivait dans Hélène (traduction libre) :

Une douleur énorme s’était abattue sur la Grèce.
Tant de corps d’hommes jetés en pâture
À la mer, à la terre vorace ;
Tant d’âmes
Livrées à la meule pour être écrasées
Comme du grain sur du grain.
Et le lit vaseux des rivières rendait le sang
D’année en année. Et tout cela
Pour une parure de lin ondoyante, une chose du vent,
Pour un spasme d’aile de papillon, pour du duvet
de cygne, pour une Hélène.
Et mon frère ?
O rossignol, rossignol,
Qu’est-ce que le divin ? Qu’est-ce que son contraire ?
Qu’y a-t-il entre les deux ?

Entre les deux, il y a l’incertitude, l’éphémère, le précaire. Dans cet espace-temps actuel, « palpitant », si particulier de la société grecque il semble bien qu’une culture poétique de la simplicité s’avère capable d’offrir des possibilités inattendues de réappropriation des gestes de la quotidienneté et de réinvention d’un rapport à soi, à l’autre et au monde. Athènes d’ailleurs déborde d’initiatives – de cafés associatifs où il est écrit en grand « nous, nous faisons sans patrons » – d’initiatives artistiques, poétiques, performatives, intellectuelles : la pensée, la création, la performance et l’écriture sont ici à la croisée des chemins.

 

Le plein artistique

Nous prendrons en exemple trois artistes: Stefanos Tsivopoulos, Maro Michalakakos et Pavlos Nikolakopoulos ainsi que les collectifs de l’exposition « No country for Young Men » (http://www.bozar.be/en/activities/5120-no-country-for-young-men) de l’historienne de l’art et commissaire Katerina Gregos (https://www.facebook.com/katerina.gregos). L’aspect participatif, collectif, collaboratif des œuvres émergentes en Grèce apparaît aujourd’hui comme essentiel, en écho à la création individuelle et à la crise elle-même : la solidarité artistique comme modèle de la solidarité humaine. « No Country for Young Men » explore, selon les termes de Katerina Gregos, « comment la crise affecte le Grecs, le corps social, l’environnement, le paysage et la production artistiques – cette crise qui offre aussi à la Grèce l’opportunité de se repenser elle-même, et de créer, peut-être, l’avenir qu’elle se souhaite. Chaque jour, dit encore Katerina Gregos, les espaces culturels les plus diversifiés accueillent de nouvelles créations » – de nouvelles images et de nouveaux imaginaires. Cet imaginaire « plein » qui est, peut-être, le seul vrai pays « for Young Men ».

 

Stefanos Tsivopoulos

History Zero, une installation conçue pour la biennale de Venise 2013, composée de trois films et d’un espace documentaire, s’intéresse à la possibilité de monnaies alternatives. Une fois l’argent disparu – comment faire, comment « monnayer » sans cette invention humaine qui porte pourtant en elle-même ses propres limites ? Tsivopoulos, en 2013 déjà, semblait vouloir offrir au spectateur un rêve : celui d’une possible alternative à la crise – à tout le moins, à la crise grecque – et à l’absence de « monnaie ». D’autres valeurs apparaissent soudain sous nos yeux incrédules. Un rêve qui, trois ans plus tard, semble bel et bien perceptible dans la réalité : la Grèce serait-elle en train de réussir le miracle d’un chemin de traverse, d’une remise en cause sans tapage du système économique classique, de l’émergence d’autres formes d’existence, d’une négation subversive de l’immuabilité du duo richesse/pauvreté.

Comme un écho au travail de Stefanos Tsivopoulos, Loïc Fankhauser, étudiant à la HEAD, écrivait en 2016, dans le cadre d’un cours d’écriture créative et critique, sur le thème du Merveilleux Malheur (Boris Cyrulnik, Odile Jacob, 2002), à propos de la pauvreté soudain survenue dans sa jeune vie : « Puisqu’il m’était souvent impossible de faire une activité, beaucoup de temps s’offrait à moi. Un temps qui me permit la contemplation. Je n’avais rien d’autre à faire que de regarder et plus je regardais, plus j’étais émerveillé. Le vert de l’herbe devenait plus vert, les objets plus nets, je faisais maintenant attention à la luminosité, à l’air et aux parfums qu’il véhicule. »

 

Maro Michalakakos

Maro Michalakakos dessine, sculpte, gratte au scalpel des velours pourpre voluptueux dans lesquels l’image s’incruste alors en négatif, et représente avec passion des emprisonnements, des « empêchements » tels le cou d’un flamand rose qui se noue autour de sa patte et l’empêche d’avancer. Elle se représente aussi elle-même – morte – dans sa performance intitulée Kiss me like you never kiss me again (Athènes, @ State of Concept, avec 3137, 2015). Un moulage de son corps et de son visage en sucre blanc couché sur une table au milieu dune galerie transformée pour un soir en « salle à manger » qui accueille quatre-vingt personnes auxquelles sera servi le repas des morts. L’artiste, en célébrant la mort, nous rappelle qu’elle est le fondement même de notre condition humaine, elle qui donne forme à nos civilisations, nos nostalgies, nos actions, nos festins, notre avidité et l’impossibilité de contrôler le monde et nous rappelle aussi que chaque fois que nous donnons la vie, nous donnons aussi la mort, comme une promesse tue. Sans la mort, la vie n’existerait pas ; sans le silence, la musique n’existerait pas ; sans le vide (apparent ou non) – le plein n’existerait pas non plus. Le moule du corps de Maro Michalakakos, conceptuellement vide, est en réalité rempli de ces douceurs particulières que l’on offre aux enterrements, en Grèce, en Turquie, ailleurs. Le vide apparent dissimule bien des douceurs, que l’artiste révèle à la fin du repas en éventrant la sculpture de sucre qui la représente. Les artistes, « meurtriers de la mort », comme l’écrit Quignard. Meurtriers du vide. Si la nature, elle, n’a pas horreur du vide, les artistes, à tout le moins, se plaisent à le remplir, à soigner et à réparer les erreurs du monde : même la mort devient une fête. Pleurer et célébrer la perte, d’une même émotion. Il faut aimer la mort et les morts avec elle car sinon, semble questionner l’artiste, comment aimer la vie et les vivants – comment nous servir dans la joie des desserts fait de vulves framboise et de phallus en chocolat et des entrailles de soi-même ?

Pour travailler ses velours comme pour inviter quatre vingt personnes à un dîner de mort, Maro Michalakakos fait appel à la solidarité. Car, dit-elle, « On est obligé de vivre en solidarité sinon on peut plus exister. Il faut juste apprendre à demander. Tout le monde est prêt à donner et à recevoir, à échanger. J’y mets beaucoup d’énergie et de respect, j’explique ce que je veux faire, et quand on me donne je suis très reconnaissante. Et pendant que je travaille mes amies s’occupent de mon fils. Et la vie continue. Sans amertume. » Dans le cas de Michalakakos, le mode collaboratif permet à la créativité individuelle de s’exprimer.

Maro Michalakakos, Performance (2015), Mon corps plein de sucre, © Nikolas Leventakis

Maro Michalakakos, Performance (2015), Les Douceurs, 2015, © Manolis Foinikianakis

Pavlos Nikolakopoulos

Pavlos Nikolakopoulos, artiste engagé s’il en est, a longtemps travaillé dans ce qu’il appelle « la narration dense ». Des œuvres très chargées, surchargées. « Je créais délibérément la confusion, dit-il, en utilisant des théories politiques, des citations littéraires perverses, des slogans, des chansons de la rue pour amener les spectateurs à porter un regard aigu sur les conflits dont j’éclaire l’ampleur par les interconnexion que je crée avec mes images. » C’était au tout début des années 2010.

Mais dès 2012, alors que « le terrorisme de la destruction fleurit », Nikolakopoulos, tout en poursuivant le même fil de pensée, explore l’équilibre dynamique des désirs, et pour ce faire commence à créer des espaces vides pour permettre davantage de contemplation que de critique. Puis, en 2015, alors que le vide matériel se creuse plus profondément en Grèce jusqu’à ouvrir des espaces entièrement nouveaux, Nikolakopoulos se met à travailler le métal. Immaculé, dur, conceptuel. Foin du descriptif et de la narration : la densité du métal requiert du spectateur une concentration absolue. Le spectateur est invité à enrichir l’œuvre par la signification propre qu’il lui donnera, et non plus par son interprétation de la narration. Les dessins suivent ou précèdent : ils deviennent ce presque rien des plus grands. « Zeichnen ist weglassen. ». Notre dernière visite d’atelier date de décembre 2015 : toute narration a disparu. Le blanc prédomine. L’émotion se révèle, pure, derrière le blanc métallique, coupant, riche de quelques formes d’autant plus puissantes qu’elle tendent à disparaître, elles aussi, faisant place à une nouvelle approche conceptuelle en plein développement. Un minimalisme formel d’autant plus poignant qu’il est chargé de questionnements politiques lourds de sens.

1. Pavlos Nikolakopoulos, Overlook, 2012, ink and acrylic on paper, 1,90×3,78 meters
2. Pavlos Nikolakopoulos, from Diary Number 15, 2013, colored pencil, acrylic and ink on paper, 28 x 21cm
3. Pavlos Nikolakopoulos, from the series “Maximize under pressure”, 2014, colored pencil, acrylic and ink on paper, 38×56 cm
4. Pavlos Nikolakopoulos, “…tell him that as time goes by everything belongs to the future…”, 2015, epoxy color and spray on metal sheet, 110x100cm
.

« No Country for Young Men »

« No Country for Young Men », organisée par Katerina Gregos au Palais des beaux-arts de Bruxelles, explorait les possibles perspectives futures d’un pays au passé certes glorieux mais qui vit un présent difficile – une exposition d’autant plus importante qu’elle a eu lieu dans la cité européenne où sont prises constamment nombre de décisions essentielles pour la Grèce. Selon le philosophe grec Kostas Axelos (1924-2010) « L’art est l’ultime force créative et productive parce qu’elle nous force à dire, à voir et à ressentir ce qui, sans l’art, n’eût été ni dit, ni vu, ni ressenti. » Se basant sur cette force, « No Country for Young Men » nous montre que les artistes répondent, au vide laissé par l’argent, par l’ironie et la collaboration. En réponse à l’« egomonde » de l’économie capitaliste défaillante à tous égards, ils choisissent le mode collaboratif, imageant le partage en un kaléidoscope explosif, poétique et existentiel qui donne à voir et à penser à la fois l’urgence et la vitalité des turbulences grecques.

Le groupe Depression Era se penche sur les transformations non seulement économiques, mais aussi politiques, sociales, idéologiques, morales et esthétiques qui agitent le monde grec, en réunissant une trentaine d’artistes, de photographes, écrivains, commissaires d’exposition, designers et chercheurs qui vont à leur tour composer une archive en devenir : une authentique expérience de narration collective. Les défections du système public, le sens de perte de confiance en l’avenir, les paysages en ruine, la chute de la démocratie, l’espace urbain et social de la Grèce en crise sont ainsi partagés, au sein du groupe et avec autrui.

Les Guerilla Optimists, un autre collectif, déambulent dans les rues d’Athènes et créent des actions éphémères joignant l’absurde au poétique, impliquant les communautés locales au centre d’Athènes comme à sa marge, secouant la torpeur des consciences des passants et faisant naître le sourire sur les lèvres des grecs comme des touristes. Les « Guerilla Optimists » ouvrent ainsi le « Social Dram Lab », un laboratoire visant à récolter et revitaliser les rêves de tout un chacun. Une expérimentation onirique, poétique et scientifique qui n’est pas sans rappeler le travail, en France, d’un Lancelot Hamelin, qui récolte depuis des années les rêves des détenus.

Le duo Manolis Anastasakos & Alexandros Vasmoulakis s’est, quant à lui, inspiré de l’atmosphère de révolte qui prévalait en Grèce en 2008 et a réalisé à Athènes, dans une fabrique de céramique abandonnée, Study for a Riot (2010), une vidéo qui montre ce lien abandonné (donné à ban…) comme une métaphore du pays tout entier dévasté. Les collisions entres les divers objets épars dans les ruines du lieu, la poussière rouge, les cordes, l’ensemble évoque la violence, sans exclure d’autres pistes pour les révoltes à venir.

Manolis Anastasakos & Alexandros Vasmoulakis , Study for a Riot, 2010
HD video, colour, sound, 5′ 05”. Courtesy of the artists

L’installation Oiko-nomic, proposée par les artistes Marinos Koutsomichalis, Afroditi Psarra & Maria Varela est un commentaire sur la notion de travail comme torture productive. Utilisant une machine à coudre obsolète, les bases de données financières de l’Office national de la main-d’œuvre, une trame inspirée de l’art populaire grec et des algorithmes, les artistes produisent un tissu qui devient à la fois un document de sa propre fabrication en temps réel, et une ressource dynamique permettant de réélaborer et d’interpréter des données financières informatisées. Une création soutenue par le Centre national de documentation dans le cadre du projet CIMPA (« Créativité : modèles innovants de production et d’accès »).

Enfin, le duo d’artistes belges Nicolas Kozakis & Raoul Vaneigem, dans la vidéo Qu’en est-il de notre vie ?, évoque « ce qui reste de nos vies, de nos désirs, de notre félicité d’exister face au pouvoir délétère de l’argent, d’une économie qui serait un marché mondial des esclaves, sur lequel nous sommes tous contraints à nous vendre » et célèbre la vie et sa possible liberté – la liberté créative.

 

Après la crise ?

Même si la crise n’est pas terminée et de loin, il apparaît une forme de « post-crise » qui s’accommode d’elle et l’intègre dans une nouvelle manière de vivre et de créer. Il apparaît que la scène artistique, vivace, en contrepoint à la politique et au journalisme, se donne comme mission de créer, ou à tout le moins d’imaginer, d’imager et de partager des conversations et des réflexions sur l’urgence thématique de notre avenir. Le forum est ouvert à la contradiction et l’art cherche à montrer où trouver « le plein » – la plénitude – au delà du vide apparent et bien réel. C’est sous ce titre, « Après la Crise », que le MUCEM présentera d’ailleurs, en 2014, le travail de Stefanos Tsivopoulos cité plus haut.

Après la crise ? c’est aussi le titre du blog de l’anthropologue Panagiotis Grigoriou (http://www.greekcrisis.fr/2016/03/Fr0500.html#deb). Qui nous parle aujourd’hui même de la nouvelle crise, qui fait écho à la crise grecque et en creuse encore les sillons : celle des migrants. Ou quand le « vide apparent » accueille l’immense trop plein d’autres désastres. Les habitants des îles grecques recevront-ils le Prix Nobel de la Paix 2016 ? (http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/02/01/soutiens-pour-la-nomination-d-habitants-des-iles-grecques-au-prix-nobel-de-la-paix_4856864_3214.html)

 

Après la crise, pendant la crise : l’éloge de l’érection, une réponse possible ?

En novembre 2013, la Biennale d’Athènes accueille un colloque surprenant, intitulé « Je bande comme un pays ». Ce colloque, à l’initiative du premier auteur de cet article, propose à la fois un hommage à Dimitris Dimitriadis et, avec son accord et même son désir, une inversion de paradigme, Je meurs comme un pays devenant Je bande comme un pays.  https://jebandecommeunpays.wordpress.com/. Voici alors ce qu’inspire alors Je meurs comme un pays, lorsque le texte est emporté par la nécessité irrévocable de l’affirmation de la vie (extrait, texte en cours de publication ; voir aussi http://www.odilejacob.fr/catalogue/sante-vie-pratique/sexualites/tout-a-fait-homme_9782738130716.php).

« Cette année là tous les hommes désertèrent par noblesse pour fertiliser les terres les femmes et les adolescents les oliviers les pommiers les terres caillouteuses des îles ils désertèrent pour remplir le monde de leur présence de leur futur de leur aura et pour ne sacrifier aucune goutte de leur sperme, aucune larme de leur sang pour autre chose que la joie des corps et l’indicible allégresse de la population civile et c’est à ce moment là que s’effectua enfin la transition tant attendue, espérée, redoutée désirée créée en rêve la transition d’un cycle historique à l’autre le rire déferlait dans les rues des cités comme le miel des corps les déserteurs héroïques en phalanges bandantes dans tout le pays se riaient des soldats des ennemis effarés qui reculaient devant la joie le bonheur des femmes et nous qu’avons-nous fait les soldats ressentaient dans leur poitrine autrefois fière la décomposition morale de la guerre de l’argent de la drogue, tous traînés dans la boue par la lumière de la drogue du nouveau pays qui naissait sous leurs yeux une drogue laiteuse odorante scintillante dont les femmes enduisaient leurs tous petits enfants pour les rendre invulnérables sauf leurs petits talons roses qui scandaient le rythme de la vie de leurs pas joyeux de coureurs inépuisables et scandaient la vie des morts et la résurrection du pays de leurs petits talons roses … en cette époque bénie qui sera baptisée bien plus tard Renaissance du Phallus une renaissance de l’intelligence des perspectives infinies des couleurs des visages et des corps incarnés… 

Cette année là les femmes décidèrent de transporter le Parthénon sur le chantier naval de Pérama et de semer du blé sur l’Acropole, puis d’ériger sur le champ de blé de pierres au milieu des épis des dizaines de colonnes non plus les unes à côté des autres mais les unes sur les autres jusqu’à caresser les nuages non ce n’était pas Babel c’était des phallus et non ce n’était pas Priape elles étaient belles les colonnes d’onyx et de nacre de pierre de lune et de sable, de sable de marbre et de marbre de Tinos de marbre d’Andros là où Andros tend la main à Tinos les femmes allaient chercher le marbre le granit rose et les colonnes étaient hautes et brillantes au bout comme des glands et au sommet de chacune il y avait une source et non ce n’était pas Babel la langue était vive plus vive que jamais on inventait de nouveaux mots et on en importait aussi on les intégrait mais sans jamais oublier ni la langue paternelle ni les chansons paternelles ni la puissance paternelle et les colonnes on les voyait de loin et les immigrés qui venaient par centaines de milliers se nourrir du miel de l’érection et danser dans la joie bander dans la joie toutes armes déposées toute honte bue dans l’eau douce de la méditerranée dans l’eau salée turquoise les femmes leurs ouvraient leurs bras le vent soufflait dans les voiles blanches de leurs navires les soldats d’autrefois se mêlaient aux immigrée et les hommes portaient dans leurs bras les enfants de l’immigration les enfants vivants ils écoutaient leurs mots inconnus à leur oreille et leur chantaient à leur tour les chants de l’enfance bienheureuse d’avant encore autrefois celle qui venait de là-bas des mots assoiffés des mots affamés des mots rutilants des mots caressant leurs boucles sombres les enfants passaient de bras en bras de père en père les enfants les plus grands se tenaient aux côtés des hommes et embrassaient en passant les talons roses des plus petits et le lait des chèvres en délire coulait à flot dans les mains les bouches les ventres des immigrés des désarmés et les olives et les pommiers et sur l’Acropole les colonnes s’élargissaient chaque nouvel arrivant une nouvelle fondation oui les immigrés des pays voisins encore ravagés par la raison se dirigeaient grâce aux colonnes qui luisaient la nuit de feux organiques de feux de pierre de feux de marbre de feux de joie de feu de miel de feu de mots de gyrophares  

et la langue était belle

… et les fruits jonchaient les rues et le pays surpeuplé était en liesse et chantait sirtaki et je bande comme un pays je vis comme un pays je joie comme un pays »

Je joie comme un pays.
Derrière le vide apparent : la joie.

 

Conclusion

Les artistes s’approprient le vide. Le vide est immense et il leur appartient. Il nous appartient. Il est notre humanité. Le vide, mais non la vacuité. Le vide est le présent, notre présent (le temps présent ; le cadeau). Le vide, mais non le nihilisme.

Les artistes, comme les philosophes d’autrefois, semblent bien avoir horreur du vide. Ils se l’approprient donc pour le remplir. Le remplir de pensées, de réflexions, d’œuvres et d’actions. Pas besoin de religion, en Grèce, pour remplir le vide.

Regardons les artistes et leurs œuvres, et plongeons notre regard dans le vide, pour le découvrir le plein. Notre propre plénitude.

.

.

Chiara Bertini est philosophe, galeriste, chercheuse et performeuse. Depuis septembre 2015, elle est responsable de la galerie ANALIX FOREVER à Genève. De 2013 à 2015, elle s’est occupée de peinture flamande et de peinture moderne à la Galerie Dejonckheere à Genève. En 2009, elle a co-fondé, avec sa sœur, Ex Elettrofonica, un espace culturel et expérimental dans le domaine des arts visuels.
Chiara Bertini bénéficie d’un double master : en philosophie (Etudes théoriques et critiques) de l’Université La Sapienza de Rome (2010) et en « curating » (programme de recherche CCC – Critical Curatorial Cybermedia – de la HEAD – Haute école d’art et de design de Genève).
Ses premières recherches portaient sur la relation entre le cinéma et la peinture (La pensée cinématographique dans l’image picturale. Trois exemples: Clouzot, Rivette, Godard, 2007). Entre 2008 et 2013 son attention se tourne vers Foucault, en particulier vers son rapport à l’art et à la question dusouci de soi (Art, Limites et Transgression dans la pensée de Foucault, 2010 / Dedans, dehors dans le changement continu. Pour une subjectivité enrichissante en construction permanente, 2013). Chiara Bertini mène également à bien des projets collectifs : idéation des actions pendant des événements artistiques, écriture et organisation des projets curatoriaux basés sur la participation : (EMERGENCY #1 – Espace Kugler septembre 2013, LINES-K, Fonderie Kugler février 2014, EMERGENCY # 2 – Fonderie Kugler octobre 2014). Elle travaille actuellement, en duo, au montage d’un film sur des hommes qui exercent le métier de sage femme, un métier généralement réservé aux femmes. Grande passionnée de théâtre, elle a travaillé pendant trois ans au Théâtre Valle à Rome et fait actuellement partie du groupe de théâtre expérimental et multilingue Esperimentoquadro à Genève.

Barbara Polla is a medical doctor, a gallerist, and a writer (essays, articles, blogs, novels). She has been an elected politician from 1991 to 2003. Freedom and creativity are among her essential values. She promotes emerging and confirmed artists in her Geneva gallery, Analix Forever, a venue that she turned into a space for cultural exchanges. Since 2011, she works as “nomadic gallerist” in Paris, and as an independent curator in France and elsewhere.  She regularly collaborates with critics and curators whether for exhibitions, conferences, or writing projects. In a collaboration with art historian Paul Ardenne, she created the venue VIDEO FOREVER, video projections by themes, that are running bimonthly since 2011, in Paris, but also in Sydney, Beyrouth or Helsinki, the aim of which is to promote video art to a wide audience with an academic perspective. Barbara Polla also works intensively around the theme of “Art & Prison”.She is also a regular contributor to the magazines Crash, Drome, and Roots & Routes.
In her assays and novels, Barbara Polla investigates in particular gender issues, Among her recent publications: Tout à fait Femme, Odile Jacob, 2012; Tout à fait Homme, Odile Jacob, 2014; À toi bien sûr, L’âge d’Homme, 2008; Victoire, L’Âge d’Homme, 2009; Troisième Vie, Eclectica, 2015; Vingt cinq os plus l’astragale, Art&Fiction, 2016. She also organizes conferences, among which “Erect as a Country” (https://jebandecommeunpays.wordpress.com/) during the Athens Biennial of 2013. She has particular links with Greece, as a regular, Greek speaking, visitor. The last venue she organized in Greece was one of her “poetry nights” in December 2015 (@ State of Concept).
https://barbarapolla.wordpress.com/.

.

.

__________________________ Versione italiana

.

Il vuoto apparente

Il vuoto è in linea di principio un nulla … come potrebbe allora essere « évidente » ? Come vedere un vuoto, che sarebbe in realtà un pieno, ma che si nasconderebbe dietro, o dentro un vuoto?

In realtà, il vuoto apparente, qui, contraddice un pieno che di per sé non è che un’illusione. Il vuoto apparente è un vuoto di «cose », di quelle cose di cui il capitalismo genera il desiderio, la creazione, la produzione e il « possesso » – un desiderio e un possesso vuoti, la pienezza ne è esclusa, in quanto impedirebbe il perdurare del sistema. Gli eventi politici ed economici di cui la Grecia è stata teatro recentemente hanno generato un tale vuoto di «cose ». Portafogli vuoti, casse vuote, armadi vuoti, bisacce vuote, valigie vuote: la Grecia è esangue, vuota di soldi, vuota d’investimenti, di capitali e alcuni si azzardano a dire anche vuota di futuro. Il poeta, scrittore, drammaturgo e artista Dimitris Dimitriadis aveva annunciato questo abbandono già nel 1978, in un testo storico, bellissimo e tragico Muoio come un paese. Un abbandono politico e morale, che lascia spazio al nemico, offrendogli un vuoto apparente, in realtà pieno di grida e di rivolta.

Così è la Grecia di questi primi anni 2010: vuoto evidente o vuoto apparente? La Grecia antica, attraverso la penna di Aristotele, in particolare, ha confutato il vuoto. «Il vuoto, quando ne si ammette l’esistenza, è qualcosa come un luogo che non contiene alcun corpo», ha scritto. Per ammettere l’esistenza del vuoto, bisognerebbe che anche lo spazio sia qualcosa di separato dal corpo «e abbiamo precedentemente dimostrato che questo non è possibile». Cartesio si unisce ad Aristotele. Secondo Cartesio, lo spazio esiste solo dove c’è già qualcosa. Non è lo spazio che permette l’esistenza dell’oggetto ma, al contrario, è l’esistenza dell’oggetto che implica quella dello spazio. E ‘quindi assurdo parlare di uno spazio vuoto; nel vuoto, non ci sarebbe neanche lo spazio. Decisamente, il vuoto non esiste. E i due filosofi affermano di concerto che «la natura aborre il vuoto. » Un’ affermazione che Pascal rifiuterà e altri dopo di lui.

Il vuoto filosofico non ha colpito la Grecia

Una cosa è certa, che in questa culla storica della democrazia che è la Grecia, il vuoto di pensiero non esiste. Oggi c’è nel paese un inconfondibile vuoto di « cose » – queste cose di cui parla così bene Perec nel Le Cose (1965). Ma non c’è un vuoto filosofico, questo vuoto di pensiero evocato da Patrick Juignet in una conversazione con Dany-Robert Dufour (Filosofia, Scienza e Società, 2015): « la mediocrità delle élite, il cinismo mercantile, la destabilizzazione morale, hanno causato disorientamento e hanno lasciato un vuoto filosofico che viene riempito da una rinascita religiosa. » Non c’è nemmeno un ritorno della religione in Grecia. La Grecia non è (non è più?) nel « delirio occidentale» che Dany-Robert Dufour descrive nel suo libro dal titolo eponimo « di fronte al vuoto che l’attuale società neoliberale produce in tutte le economie umane, alcune rispondono col falso-pieno di un Dio presunto perfetto – ancora più spaventoso di quello che si pretenderebbe combattere. Così si è impostato, di fronte al delirio occidentale, un altro delirio – islamista in questo caso. « La Grecia sfugge al delirio. E dietro il vuoto apparente, a volte opaco e a volte trasparente, che lo abbraccia, si nasconde e si rivela una rivoluzione culturale.

I greci emigrati dalle isole e dalla campagna ritornano e si mettono a costruire muri che impediscano alle isole di scomparire nel Mar Egeo. Questo non è un passo indietro, è un futuro diverso.

Giorgos Seferis (1900-1971) scriveva in Per un’Elena :

Sulla Grecia piombò grave travaglio.
Tanti corpi gittati
Nelle fauci del mare, nelle fauci
della terra, e le anime
consegnate alla mole, come grano.

I fiumi si gonfiavano, tra la melma, di sangue
per un fluttuare di lino, una nuvola,
per uno scarto di farfalla, una piuma di cigno,
per una spoglia vuota, per un’Elena.

E mio fratello?
Usignolo usignolo usignolo,
che cos’è dio? Cosa non dio? Che cosa
tra l’uno e l’altro?1

Nel mezzo, c’è l’incertezza, l’effimero, il precario. In questo spazio-tempo attuale, « palpitante », cosi particolare per la società greca, sembra che una cultura poetica della semplicità si dimostri in grado di offrire inaspettate possibilità di riappropriazione dei gesti quotidiani e di reinvenzione di un rapporto con se stessi, con gli altri e col mondo. Atene è ricca d’iniziative – caffè associativi in cui è scritto in grande « noi facciamo senza padroni » – iniziative artistiche, poetiche, performative, intellettuali: il pensiero, la creazione, la performance e la scrittura risuonano.

Il pieno artistico

Prenderemo come esempio tre artisti: Stefanos Tsivopoulos, Maro Michalakakos e Pavlos Nikolakopoulos e i collettivi dell’esposizione « No country for Young Men » (http://www.bozar.be/en/activities/5120-no-country-for-young-men) della storica dell’arte e curatrice Katerina Gregos (https://www.facebook.com/katerina.gregos). L’aspetto partecipativo, collettivo, collaborativo delle opere emergenti in Grecia appare oggi, in effetti, essenziale: la solidarietà artistica come modello di solidarietà umana. « No country for Young Men » esplora secondo i termini di Katerina Gregos, come la crisi tocchi la Grecia, la società, l’ambiente, il paesaggio e la produzione artistica – questa crisi che offre anche alla Grecia l’opportunità di ripensarsi e di creare, forse, l’avvenire che desidera. Ogni giorno, dice ancora la curatrice, gli spazi culturali più disparati accolgono delle nuove creazioni – delle nuove immagini e dei nuovi immaginari. Questo immaginario « pieno »  che, forse, è il solo vero luogo per degli « Young Men ».

Stefanos Tsivopoulos

History Zero, istallazione concepita per la Biennale di Venezia 2013, composta da tre film e da uno spazio documentario, s’ interroga sulla possibilità di monete alternative. Una volta che il denaro è sparito – come fare, come «monetizzare» senza questa invenzione umana che porta comunque in sé i propri limiti? Tsivopoulos, già nel 2013, sembrava offrire allo spettatore un sogno: quella di una possibile alternativa alla crisi – almeno, alla crisi greca – e alla mancanza di « moneta ». Altri valori appaiono all’improvviso davanti ai nostri occhi increduli. Un sogno che, tre anni dopo, sembra essere percepibile nella realtà: la Grecia sarebbe in grado di vagliare il miracolo offerto da una strada laterale, di una rimessa in discussione del sistema economico classico, dell’emergere di altre forme d’esistenza, di una negazione sovversiva dell’immutabilità del duo ricchezza/ povertà.

Come un eco, al lavoro di Stefanos Tsivopoulos, Loïc Fankhauser, uno studente della HEAD, ha scritto durante un corso di scrittura creativa e critica sul tema della Meravigliosa Sventura (Merveilleux Malheur, Boris Cyrulnik, Odile Jacob, 2002), circa l’improvvisa povertà insorta nella sua giovane vita: « Dato che mi è stato spesso impossibile fare un’attività, avevo molto tempo a mia disposizione. Tempo che mi ha permesso la contemplazione. Non avevo niente altro da fare che guardare e più guardavo, più mi stupivo. Il verde del prato è diventato più verde, gli oggetti più chiari, ora faccio attenzione alla luce, all’aria e ai profumi che questa veicola. »

Maro Michalakakos

Maro Michalakakos disegna, scolpisce, gratta allo scalpello un voluttuoso velluto porpora su cui l’immagine viene poi incisa in negativo, e rappresenta con passione delle reclusioni, degli « impedimenti », come il collo di un fenicottero rosa che si attorciglia intorno alla sua gamba e le impedisce di avanzare. Si auto-rappresenta anche – morta – nella sua performance dal titolo Kiss me like you never kiss me again (Atene, @ State of Concept, con 3137, 2015). Un calco del suo corpo e del suo viso fatto di zucchero bianco, sdraiata su un tavolo nel mezzo di una galleria trasformata per una sera in « sala da pranzo», che ospita ottanta persone alle quali sarà servito il pasto dei morti. L’artista, celebrando la morte, ci ricorda che è il fondamento della nostra condizione umana, essa che dà forma alle nostre civiltà, alle nostre nostalgie, alle nostre azioni, alle nostre feste, alla nostra avidità e all’incapacità di controllare il mondo e ci ricorda anche che ogni volta che diamo la vita, diamo anche la morte. Senza la morte, la vita non esisterebbe; senza il silenzio, la musica non esisterebbe; senza il vuoto (apparente o meno) – il pieno non esisterebbe neanche. Lo stampo del corpo di Maro Michalakakos, concettualmente vuoto, è in realtà pieno di questi ossequi speciali che offriamo ai funerali, in Grecia, in Turchia, altrove. Il vuoto apparente nasconde dolcezze, che l’artista rivela, alla fine del pasto, strappando la scultura di zucchero che la rappresenta. Gli artisti sono « assassini della morte », come scrive Quignard. Assasini del vuoto. Se la natura non è terrorizzata dal vuoto, gli artisti, a modo loro, cercano di riempirlo, per curare e riparare gli errori del mondo: e allora anche la morte diventa una celebrazione. Piangere e celebrare la perdita, di una stessa emozione. Bisogna amare la morte e i morti con essa perché altrimenti, sembra interrogare l’artista, come amare la vita e viventi – come servirsi con gioia dei dolci fatti di vulve lampone e di falli in cioccolato e di viscere di se- stessi?

Per lavorare il suo velluto e per invitare ottanta persone a una cena con i morti, Maro Michalakakos fa appello alla solidarietà. Perché, dice, « Siamo costretti a vivere in solidarietà o non possiamo più esistere. Bisogna imparare a chiedere. Tutti sono disposti a dare e a ricevere, a scambiare. Ci metto un sacco di energia e di rispetto, spiego quello che voglio fare, e quando mi danno sono molto grata. E mentre io lavoro i miei amici si prendono cura di mio figlio. E la vita va avanti. Senza amarezza ». Nel caso di Maro Michalakakos, la modalità collaborativa permette alla creatività individuale di esprimersi.

Pavlos Nikolakopoulos

Pavlos Nikolakopoulos, artista impegnato, ha a lungo lavorato in quella che ama definire una « narrazione densa».  Opere molto cariche, sovraccariche. «Volevo deliberatamente creare la confusione, dice, utilizzando delle teorie politiche, delle citazioni letterarie perverse, degli slogan, delle canzoni di strada per portare gli spettatori ad avere uno sguardo tagliente sui conflitti di cui chiarisco l’ampiezza attraverso delle interconnessioni che creo con le mie immagini. » Era l’inizio dei primi anni 2010.

Ma dal 2012, mentre « il terrorismo distruttivo fioriva », Nikolakopoulos, pur perseguendo lo stesso filone di pensiero, esplora l’equilibrio dinamico dei desideri, e per fare questo inizia a creare spazi vuoti, più per la contemplazione che per la critica. Poi, nel 2015, mentre il vuoto materiale si accentua sempre più in Grecia fino ad aprire degli spazi completamente nuovi, Nikolakopoulos inizia a lavorare il metallo. Immacolato, duro, concettuale. Descrittivo e narrativo: la densità del metallo richiede allo spettatore una concentrazione assoluta. Lo spettatore è invitato ad arricchire l’opera con una sua significazione, e non più data seguendo la sua interpretazione della narrazione. I disegni seguono o precedono: diventano questo quasi nulla dei più grandi. «Zeichnen ist weglassen. ». La nostra ultima visita nel suo atelier a dicembre del 2015: la narrazione è scomparsa. Il bianco predomina. L’emozione si rivela, pura, tagliente, ricca di una forma ancora più potente che tende a scomparire dietro al bianco metallo, anche lei, facendo spazio a un nuovo approccio concettuale in pieno sviluppo. Un minimalismo formale ancora più toccante, pregno di questioni politiche di senso.

« No Country for Young Men »

La mostra « No Country for Young Men », organizzata dalla curatrice greca Katerina Gregos al Bozar Palais des beaux-arts di Bruxelles, nel 2014, investiga le possibili prospettive future di un paese che ha avuto un glorioso passato e che vive un complicato presente – un’esposizione tanto più rilevante perché svoltasi nella città dove si prendono importanti decisioni a livello europeo e per la Grecia stessa. Come afferma il filosofo greco Kostas Axelos (1924-2010), «  l’arte é l’ultima forza creativa, produttiva, perché ci forza, a dire, a vedere e sentire quello che, senza arte, non sarebbe stato detto, visto o sentito.» Basandosi su questa forza, « No Country for Young Men » ci indica che al vuoto lasciato dalla finanza, gli artisti rispondono con l’ironia e la collaborazione. Per contrastare l’egomondo neoliberalista molti sono stati i progetti proposti in cooperazione dai diversi artisti, in tutto trentadue tra emergenti e già conosciuti, tutti al servizio di un’esposizione che si voleva caleidoscopica, a tratti esplosiva, poetica, esistenziale che potesse far riflettere sulle turbolenze greche e generare un senso di urgenza e vitalità.

Il progetto sperimentale di Depression Era, ad esempio, cerca di capire le trasformazioni in atto in Grecia, a livello non solo economico, ma politico, sociale, ideologico, morale ed estetico. In che modo? Il gruppo riunisce trenta e più persone tra artisti, fotografi, scrittori, curatori, designer e ricercatori che cercano di comporre un archivio in continuo divenire: un vero e proprio esperimento di narrazione collettiva e condivisibile sulla crisi. La mancanza di un sistema pubblico, il sentimento di perdita di fiducia nel futuro, i paesaggi in rovina, la caduta della democrazia, lo spazio urbano e i paesaggi sociali della crisi in Grecia sono i temi centrali di riflessione di Depression Era.

Dal 2004 un altro insieme d’individui s’incontra per le strade di Atene, compiendo azioni effimere. I Guerrila Optimists utilizzano l’assurdo e il poetico per risvegliare le coscienze greche e dei turisti che passano, lasciando da pensare e da sorridere per ricreare insieme alla gente un po’ di sano ottimismo per affrontare il nuovo giorno. Le azioni sono state svolte in aree pubbliche centrali e marginali e hanno sviluppato progetti che potessero coinvolgere le comunità locali. Il progetto più lungo é stato « Social Dream Lab », un laboratorio aperto per rivitalizzare e condividere i sogni di ciascuno, per immaginare un futuro sociale, economico e ambientale diverso. Un esperimento onirico, poetico e scientifico che ricorda il lavoro, in Francia, di Lancelot Hamelin, che raccoglie da molti anni i sogni dei detenuti.

I due artisti, Manolis Anastasakos & Alexandros Vasmoulakis, ispirati dall’atmosfera di rivolta del 2008 in Grecia hanno realizzato, in una fabbrica di ceramiche abbandonata ad Atene, una serie di azioni performative. Il video Study for a Riot (2010), mostra questo luogo industriale abbandonato che diventa metafora del paese finanziariamente devastato. Le collisioni di oggetti sparsi tra le rovine del luogo, la polvere rossa, le corde evocano l’immagine delle azioni violente. Gli artisti cercano nuove strade per nuove forme di lotta non violenta.

L’istallazione Oiko-nomic proposta dagli artisti, Marinos Koutsomichalis, Afroditi Psarra & Maria Varela rappresenta un commento alla nozione di lavoro attraverso la produzione tessile.

Riutilizzando un’obsoleta macchina da cucire, usando i dati finanziari dei database degli Uffici Nazionali della manodopera per l’occupazione e alcune trame ispirate dall’arte greca popolare, un tessuto viene generato algoritmicamente in tempo reale. In questo modo, il tessuto prodotto è da intendersi come documento della propria fabbricazione, nonché come base dinamica delle risorse di archiviazione presentate dal computer che rielabora e interpreta i dati finanziari originali. Questo progetto è stato sostenuto dal Centro nazionale di documentazione (EKT) nel quadro del progetto CIMPA (Creatività: modelli innovativi di produzione e d’accesso).

Nicolas Kozakis & Raoul Vaneigem, il duo di artisti belgi nel video Qu’en est-il de notre vie?, evocano quello « che resta delle nostre vite, dei nostri desideri, della felicità dell’esistere di fronte al potere deleterio dei soldi, dell’economia che andrebbe chiamata più che altro mercato mondiale di schiavi, dove tutti sono costretti a vendersi » e inneggiano alla vita e alla sua possibile libertà – la libertà creativa.

Dopo la crisi?

Anche se la crisi non è minimamente terminata, appare all’orizzonte una forma di « post-crisi » che si accomoda su se stessa e si integra in una nuova maniera di vivere e di creare. Sembrerebbe, in effetti, che il mondo dell’arte, attivo, in contrappunto alla politica e al giornalismo, si faccia carico di creare, o almeno d’immaginare e di condividere delle conversazioni e delle riflessioni sull’urgente tematica del nostro avvenire. Il forum è aperto alla contraddizione e l’arte tenta di indicare dove trovare il « pieno » – la pienezza – aldilà del vuoto apparente e reale. Con questo titolo « Dopo la crisi », il MUCEM ha presentato, nel 2014, il lavoro di Stefanos Tsivopoulos citato precedentemente.

Dopo la crisi ? è anche il titolo del blog dell’antropologo Panagiotis Grigoriou (http://www.greekcrisis.fr/2016/03/Fr0500.html#deb). Che ci parla oggi della nuova crisi, che riecheggia la crisi greca e scava ulteriori problematiche: quelle dei migranti. O quando il « vuoto apparente » accoglie l’immenso troppo pieno degli altri disastri. Gli abitanti delle isole greche riceveranno il premio Nobel per la pace 2016? (http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/02/01/soutiens-pour-la-nomination-d-habitants-des-iles-grecques-au-prix-nobel-de-la-paix_4856864_3214.html).

Dopo la crisi, durante la crisi : l’elogio dell’erezione, una risposta possibile?

Nel novembre 2013, la Biennale di Atene ospita un simposio sorprendente, intitolato « Je bande comme un pays ». Questa tavola rotonda, svolta secondo l’iniziativa del primo autore di questo articolo, propone un omaggio a Dimitris Dimitriadis e, con il suo accordo, un’inversione di paradigma, Je meurs comme un pays diventa Je bande comme un pays https://jebandecommeunpays.wordpress.com/. Je meurs comme un pays ispira un testo poetico che afferma una necessità irrevocabile della vita (estratto, testo in corso di pubblicazione ; vedere anche http://www.odilejacob.fr/catalogue/sante-vie-pratique/sexualites/tout-a-fait-homme_9782738130716.php).

« Cette année là tous les hommes désertèrent par noblesse pour fertiliser les terres les femmes et les adolescents les oliviers les pommiers les terres caillouteuses des îles ils désertèrent pour remplir le monde de leur présence de leur futur de leur aura et pour ne sacrifier aucune goutte de leur sperme, aucune larme de leur sang pour autre chose que la joie des corps et l’indicible allégresse de la population civile et c’est à ce moment là que s’effectua enfin la transition tant attendue, espérée, redoutée désirée créée en rêve la transition d’un cycle historique à l’autre le rire déferlait dans les rues des cités comme le miel des corps les déserteurs héroïques en phalanges bandantes dans tout le pays se riaient des soldats des ennemis effarés qui reculaient devant la joie le bonheur des femmes et nous qu’avons-nous fait les soldats ressentaient dans leur poitrine autrefois fière la décomposition morale de la guerre de l’argent de la drogue, tous traînés dans la boue par la lumière de la drogue du nouveau pays qui naissait sous leurs yeux une drogue laiteuse odorante scintillante dont les femmes enduisaient leurs tous petits enfants pour les rendre invulnérables sauf leurs petits talons roses qui scandaient le rythme de la vie de leurs pas joyeux de coureurs inépuisables et scandaient la vie des morts et la résurrection du pays de leurs petits talons roses … en cette époque bénie qui sera baptisée bien plus tard Renaissance du Phallus une renaissance de l’intelligence des perspectives infinies des couleurs des visages et des corps incarnés…

Cette année là les femmes décidèrent de transporter le Parthénon sur le chantier naval de Pérama et de semer du blé sur l’Acropole, puis d’ériger sur le champ de blé de pierres au milieu des épis des dizaines de colonnes non plus les unes à côté des autres mais les unes sur les autres jusqu’à caresser les nuages non ce n’était pas Babel c’était des phallus et non ce n’était pas Priape elles étaient belles les colonnes d’onyx et de nacre de pierre de lune et de sable, de sable de marbre et de marbre de Tinos de marbre d’Andros là où Andros tend la main à Tinos les femmes allaient chercher le marbre le granit rose et les colonnes étaient hautes et brillantes au bout comme des glands et au sommet de chacune il y avait une source et non ce n’était pas Babel la langue était vive plus vive que jamais on inventait de nouveaux mots et on en importait aussi on les intégrait mais sans jamais oublier ni la langue paternelle ni les chansons paternelles ni la puissance paternelle et les colonnes on les voyait de loin et les immigrés qui venaient par centaines de milliers se nourrir du miel de l’érection et danser dans la joie bander dans la joie toutes armes déposées toute honte bue dans l’eau douce de la méditerranée dans l’eau salée turquoise les femmes leurs ouvraient leurs bras le vent soufflait dans les voiles blanches de leurs navires les soldats d’autrefois se mêlaient aux immigrée et les hommes portaient dans leurs bras les enfants de l’immigration les enfants vivants ils écoutaient leurs mots inconnus à leur oreille et leur chantaient à leur tour les chants de l’enfance bienheureuse d’avant encore autrefois celle qui venait de là-bas des mots assoiffés des mots affamés des mots rutilants des mots caressant leurs boucles sombres les enfants passaient de bras en bras de père en père les enfants les plus grands se tenaient aux côtés des hommes et embrassaient en passant les talons roses des plus petits et le lait des chèvres en délire coulait à flot dans les mains les bouches les ventres des immigrés des désarmés et les olives et les pommiers et sur l’Acropole les colonnes s’élargissaient chaque nouvel arrivant une nouvelle fondation oui les immigrés des pays voisins encore ravagés par la raison se dirigeaient grâce aux colonnes qui luisaient la nuit de feux organiques de feux de pierre de feux de marbre de feux de joie de feu de miel de feu de mots de gyrophares

et la langue était belle 

… et les fruits jonchaient les rues et le pays surpeuplé était en liesse et chantait sirtaki et je bande comme un pays je vis comme un pays je joie comme un pays »

Gioisco come un paese.
Dietro il vuoto apparente : la gioia.

 

Conclusioni

Gli artisti si appropriano del vuoto. Il vuoto è enorme e gli appartiene. Ci appartiene. E ‘la nostra umanità. Il vuoto, ma non la vacuità. Il vuoto è il presente, il nostro presente (il tempo presente, il dono). Il vuoto, ma non il nichilismo.
Gli artisti, come i filosofi del passato, sembrano avere orrore del vuoto. Se ne appropriano per completarlo. Lo riempiono di pensieri, di riflessioni, d’opere e d’azioni. Non c’è bisogno di religione, in Grecia, per riempire il vuoto.
Basta guardare gli artisti e le loro opere, e immergere il nostro sguardo nel vuoto, per scoprire il pieno. La nostra pienezza.

.

.

Cfr. Giorgio Seferis, Poesie, a cura di F. M. Pontani, Milano, Mondadori, 1963.

.

.

Chiara Bertini é filosofa, gallerista, ricercatrice e performer. Dal settembre 2015, é responsabile della galleria ANALIX FOREVER a Ginevra. Dal 2013 al 2015, si é occupata di pittura fiamminga e moderna alla Galleria Dejonckheere di Ginevra. Grande appassionata di teatro ha lavorato per tre anni al Teatro Valle di Roma. Da tre anni, fa parte del gruppo sperimentale e multilingue Esperimentoquadro a Ginevra. Nel 2009, ha co-fondato con sua sorella, Ex Elettrofonica, uno spazio espositivo sperimentale per la cultura e le arti visive. Nel 2010 si laurea in Filosofia (Studi teorico-critici) all’Università La sapienza di Roma. L’anno seguente prosegue il suo percorso di formazione col Master di ricerca CCC (Critical Curatorial Cybermedia) alla HEAD – Università di Arte e Design di Ginevra. Le sue prime ricerche si sono soffermate sulla relazione tra cinema e pittura (Il pensiero cinematografico nell’immagine pittorica. Tre esempi: Clouzot, Rivette, Godard, 2007) . Tra il 2008 e il 2013, la sua attenzione si rivolge a Foucaulti, specialmente alle riflessioni sull’arte e sulla questione di cura di sé (Arte, limite, e trasgressione nel pensiero di Foucault, 2010 / Dedans, dehors dans le changement continue. Pour une subjectivité enrichissante en construction permanente, 2013). Dando importanza al lavoro in collaborazione, ha contribuito a diversi progetti collettivi: ideazione di azioni durante gli eventi artistici, scrittura, organizzazione di progetti curatoriali basati sulla partecipazione. (EMERGENCY # 1 – Espace Kugler settembre 2013, LINES-K, Fonderie Kugler, febbraio 2014, EMERGENCY # 2 – Fonderie Kugler ottobre 2014). Attualmente, prepara, a due, un film su alcuni uomini che lavorano come ostetrici,  mestiere generalmente riservato alle donne.

Barbara Polla is a medical doctor, a gallerist, and a writer (essays, articles, blogs, novels). She has been an elected politician from 1991 to 2003. Freedom and creativity are among her essential values. She promotes emerging and confirmed artists in her Geneva gallery, Analix Forever, a venue that she turned into a space for cultural exchanges. Since 2011, she works as “nomadic gallerist” in Paris, and as an independent curator in France and elsewhere.  She regularly collaborates with critics and curators whether for exhibitions, conferences, or writing projects. In a collaboration with art historian Paul Ardenne, she created the venue VIDEO FOREVER, video projections by themes, that are running bimonthly since 2011, in Paris, but also in Sydney, Beyrouth or Helsinki, the aim of which is to promote video art to a wide audience with an academic perspective. Barbara Polla also works intensively around the theme of “Art & Prison”.She is also a regular contributor to the magazines Crash, Drome, and Roots & Routes.
In her assays and novels, Barbara Polla investigates in particular gender issues, Among her recent publications: Tout à fait Femme, Odile Jacob, 2012; Tout à fait Homme, Odile Jacob, 2014; À toi bien sûr, L’âge d’Homme, 2008; Victoire, L’Âge d’Homme, 2009; Troisième Vie, Eclectica, 2015; Vingt cinq os plus l’astragale, Art&Fiction, 2016. She also organizes conferences, among which “Erect as a Country” (https://jebandecommeunpays.wordpress.com/) during the Athens Biennial of 2013. She has particular links with Greece, as a regular, Greek speaking, visitor. The last venue she organized in Greece was one of her “poetry nights” in December 2015 (@ State of Concept).
https://barbarapolla.wordpress.com/.